La norme DH 2 en pratique : Equifruit s’attaque à la violence fondée sur le genre dans le secteur de la banane

B Lab États-Unis et Canada

October 7, 2025

Une B Corp dirigée par des femmes transforme la reconnaissance d’un risque systémique en politiques, en partenariats et en mobilisation à l’échelle du secteur.

Chaque chaîne d’approvisionnement raconte l’histoire humaine des employé.e.s, des familles et des communautés dont la dignité dépend du mode de fonctionnement des entreprises qui la composent. Le parcours d’une banane, des plantations aux tablettes des épiceries, par exemple, est long : elle passe entre les mains des exploitant.e.s agricoles, des emballeuses, des emballeurs et des expéditionnaires dont les réalités quotidiennes indiquent si cette histoire est celle de salaires équitables et de conditions de travail sûres, ou d’un récit marqué par les risques, le harcèlement et l’exploitation.

Les normes du B Lab pour le domaine d’impact des droits de la personne sont conçues afin d’avoir un impact positif sur le déroulement de ces histoires. Elles servent de guide aux entreprises pour les aider à aller au-delà des déclarations de principes et mettre en œuvre des actions qui protègent les personnes dans l’ensemble de leurs activités et de leurs chaînes d’approvisionnement.

L’une des étapes les plus importantes dans ce processus correspond à la norme DH 2 : déterminer les risques majeurs présentés par l’entreprise en matière de droits de la personne et élaborer une stratégie. La norme DH 2 tient les entreprises responsables de désigner les risques les plus critiques concernant les droits de la personne et de démontrer comment elles vont y remédier. Pour Equifruit, une B Corp canadienne certifiée Fairtrade (commerce équitable) qui importe des bananes, ce processus a signifié de nommer la violence fondée sur le genre et le harcèlement sexuel comme risques systémiques dans le secteur de la banane, et d’y remédier en mettant en place des politiques publiques, des formations du personnel et des partenariats, ainsi qu’en militant à l’échelle du secteur pour remettre en cause la culture du silence.

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Domaine d’impact en pratique

Le domaine d’impact des droits de la personne a pour but d’améliorer les situations des personnes exposées à des risques ou subissant des préjudices causés par les activités, les produits ou les services d’une entreprise. Téléchargez ce guide pour découvrir des exemples, des ressources et des pratiques exemplaires.

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La norme DH 2 expliquée : cibler les risques majeurs et prendre des mesures en conséquence

La norme des droits de la personne du B Lab [en anglais] repose sur quatre piliers : s’engager publiquement à respecter les droits de la personne (DH 1); déterminer les risques majeurs (DH 2); prévenir et remédier aux préjudices (DH 3); et collaborer avec les prestataires pour améliorer la transparence, atténuer les risques et faire avancer les objectifs en matière de droits de la personne dans l’ensemble de la chaîne de valeur (DH 4). Pris ensemble, ces piliers forment un cadre pour la responsabilisation afin de ne pas laisser la protection des personnes au bon vouloir des gens ou à la merci d’initiatives ponctuelles, mais de l’intégrer en tant que responsabilité à part entière dans le fonctionnement des entreprises.

La norme DH 2 occupe une place centrale dans ce cadre. Elle appelle les entreprises à examiner honnêtement l’impact humain de leurs activités et à se demander où les personnes sont le plus exposées à des risques. Un « risque majeur » n’est pas seulement un problème potentiel. Il s’agit d’un enjeu grave en ce qui concerne son impact sur les gens et la probabilité qu’il se produise. Pour identifier ces risques, les entreprises doivent écouter attentivement les parties prenantes, combiner les données avec les expériences de terrain et déterminer en toute honnêteté où les préjudices sont les plus urgents.

Afin de respecter la norme DH 2, les entreprises doivent :

  • mener des évaluations des risques axées sur les personnes, et pas seulement sur les intérêts commerciaux;
  • déterminer les enjeux qui ont l’impact le plus grave et qui sont les plus susceptibles de se produire;
  • élaborer des stratégies qui comprennent des objectifs clairs et des rôles définis, en tenant compte de l’avis des parties directement concernées;
  • s’assurer que les employé.e.s, les gestionnaires et les partenaires savent comment mettre en œuvre la stratégie;
  • communiquer les résultats en toute transparence et faire le suivi des progrès au fil du temps.

Le but de la norme DH 2 est d’inciter à la concentration, mais aussi à la persistance. Les défis en matière de droits de la personne sont immenses, et aucune entreprise ne peut tous les résoudre en même temps. En se focalisant sur les risques les plus urgents, les entreprises peuvent concentrer leurs ressources là où elles peuvent faire la plus grande différence. De plus, parce que les risques évoluent au fil du temps, la norme DH 2 intègre des attentes en matière d’amélioration continue, notamment évaluer les progrès, tirer des leçons des échecs, former les personnes qui travaillent en première ligne et adapter les stratégies au fur et à mesure que de nouvelles réalités émergent.

Dans le secteur de l’agriculture, où les employé.e.s sont souvent confronté.e.s à la discrimination, au harcèlement et à des conditions de travail dangereuses, cette concentration et ce suivi impliquent de s’attaquer à des enjeux systémiques, tels que la violence fondée sur le genre, c’est-à-dire des problèmes qui affectent profondément la vie quotidienne des gens et qui exigent une attention soutenue.

Bien entendu, le harcèlement sexuel et la violence fondée sur le genre ne sont pas propres aux chaînes d’approvisionnement des bananes. Ces enjeux demeurent un risque systémique dans toutes les industries, en particulier dans les secteurs dominés par les hommes où les déséquilibres de pouvoir sont enracinés, ce qui peut rendre plus difficile la lutte contre les abus. Le fait de reconnaître cette réalité est essentiel pour répondre à l’appel de la norme DH 2, soit désigner les risques qui touchent le plus directement les gens et refuser de les ignorer.

Un risque systémique dans le secteur de la banane

Les bananes sont l’un des fruits les plus commercialisés au monde et leurs chaînes d’approvisionnement couvrent de nombreux pays, dont la Colombie, l’Équateur, la République dominicaine, le Costa Rica, le Pérou, le Guatemala, et bien plus. Toutefois, derrière ce commerce international, réside une réalité persistante : les femmes qui travaillent dans la culture de la banane sont depuis longtemps confrontées à la discrimination, au harcèlement et à la violence fondée sur le genre. Depuis des décennies, ces abus sont rendus invisibles par la stigmatisation, la crainte de représailles et les déséquilibres de pouvoir enracinés dans les lieux de travail.

Au cinquième forum de la banane organisé par Fairtrade en mai 2025, les dirigeant.e.s du secteur et les organismes représentant les productrices et les producteurs de bananes se sont réuni.e.s pour briser ce silence. La campagne Silence Does Not Protect (le silence ne protège pas) [en anglails], lancé par le réseau latino-américain et caribéen des petit.e.s productrices et producteurs et des employé.e.s du commerce équitable (CLAC), est un appel collectif à créer des conditions de travail sûres et respectueuses pour les femmes dans l’ensemble du secteur. La campagne comprend la diffusion interpays de matériel éducatif, de formations sur la prévention, de mécanismes de signalement et de soutiens en matière de gestion de cas pour les organismes de productrices et de producteurs. Ces ressources sont toutes conçues en vue de remplacer le silence par la responsabilisation.

« Pendant des décennies, le silence a rendu la violence invisible dans les plantations et les lieux de travail », a déclaré Marike de Peña, présidente du réseau CLAC de la banane, au lancement de la campagne. « Cette campagne est une déclaration de principes : le respect, l’équité et la dignité ne sont pas des options facultatives; ce sont les bases d’une économie qui aspire à être vraiment juste. »

Guide pour incarner le changement

Le B Lab États-Unis et Canada a élaboré ce guide téléchargeable [en anglais] pour soutenir les entreprises dans leur travail en matière de défense de politiques et d’action collective. Téléchargez-le pour découvrir des ressources, des exemples, ainsi que d’autres renseignements axés sur la prise d’actions.

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Equifruit : de la désignation du risque à la conduite du changement

Equifruit compte parmi les signataires fondatrices et fondateurs [en anglais] de la campagne Silence Does Not Protect (le silence ne protège pas). En conjonction avec le lancement de cette campagne, l’entreprise a publié en ligne (publiquement) sa politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique et sexuel [en anglais], rendant ainsi sa position visible et accessible à tout le monde. La politique engage l’entreprise à favoriser « un environnement de travail harmonieux et exempt de toute forme de harcèlement ». Elle clarifie ainsi cette attente de la même manière pour les employé.e.s, les partenaires et les autres parties prenantes. De plus, elle officialise ce en quoi Equifruit croit depuis longtemps : la protection des droits et de la dignité des employé.e.s doit être un élément non négociable dans les activités commerciales.

« Le harcèlement sexuel n’a aucune place dans notre secteur d’activités et ne peut pas être toléré », a déclaré la présidente et copropriétaire d’Equifruit, Jennie Coleman. « En tant qu’entreprise dirigée par des femmes, nous utilisons notre voix pour dénoncer le harcèlement sexuel et remettre en cause la culture du silence. En participant à la campagne “Silence does not protect” et en communiquant publiquement notre politique, nous espérons encourager les autres à s’exprimer et à créer une culture de responsabilisation ainsi que de soutien pour les femmes dans l’ensemble du secteur de la banane. »

Equifruit appuie sa promesse avec des actions concrètes. Après s’être rendue en Colombie pour signer l’engagement de la campagne, l’entreprise a pris les mesures suivantes :

  • Elle a publié sa politique contre le harcèlement en ligne.
  • Elle s’est assurée que l’ensemble du personnel a reçu une formation pour apprendre à reconnaître et à prévenir le harcèlement.
  • Elle a renforcé sa culture du consentement en l’instaurant comme une norme non négociable du travail au quotidien.
  • Elle a maintenu la parité des genres au sein de son équipe de direction.
  • Elle a continué à élargir les occasions de mentorat pour les femmes dans le secteur des fruits et légumes.

La spécialiste des communications et des relations publiques d’Equifruit, Georgia Crump, a souligné l’importance de ces étapes : « Parler ouvertement du harcèlement dans notre secteur d’activités s’inscrit dans la lignée de la mise en application de nos valeurs B Corp. Le silence ne protège personne. En désignant la violence fondée sur le genre en tant que risque et en montrant comment nous y remédions, nous espérons encourager d’autres entreprises à suivre le même chemin et à créer collectivement des chaînes d’approvisionnement au sein desquelles l’ensemble des employé.e.s se sentent en sécurité et respecté.e.s. »

Par ailleurs, l’entreprise étend également ses engagements à l’externe. Equifruit fait partie de l’équipe spéciale sur l’équité de genre du Forum mondial de la banane de l’Organisation des Nation Unies pour l’alimentation et l’agriculture et elle collabore avec des organismes de productrices et de producteurs Fairtrade, ainsi qu’avec des groupes de défense d’intérêts, pour :

  • renforcer les protections pour les femmes dans les milieux de travail agricoles;
  • promouvoir des mécanismes sécuritaires de signalement des cas de harcèlement et de violence;
  • favoriser une direction inclusive dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement.

En combinant les politiques publiques, les actions à l’interne et la collaboration intersectorielle, Equifruit montre à quoi ressemble en pratique l’application de la norme DH 2 : identifier un risque majeur, élaborer une stratégie pour y remédier et la mettre en œuvre en faisant preuve de transparence et en menant des actions collectives. Ce faisant, elle offre un modèle de responsabilisation à la communauté B Corp et au secteur d’activités de la banane, au sens large.

Le plan détaillé d’Equifruit pour la norme DH 2

A female merchant in Ghana with a large tray of bananas balanced on her head

Une marchande vendant des bananes au Ghana. Photo de Yoel Winkler

L’approche d’Equifruit rend la norme DH 2 concrète. Elle donne l’exemple de la manière dont une entreprise peut passer de la reconnaissance d’un problème systémique à la création de structures qui s’attaquent à sa résolution de façon frontale. En identifiant la violence fondée sur le genre comme un risque majeur, Equifruit ne s’est pas arrêtée à sa reconnaissance. En effet, elle l’a accompagnée de politiques, de formations et de partenariats qui s’étendent à l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement.

Prises conjointement, ces étapes illustrent ce à quoi ressemble la mise en application du cycle complet des exigences énoncées dans la norme DH 2 :

  • Évaluation des risques : l’entreprise a désigné le harcèlement et la violence fondée sur le genre comme des enjeux prioritaires dans le secteur de la production de bananes.
  • Stratégie : l’entreprise a élaboré une politique de prévention et de gestion, approuvée par la haute direction.
  • Transparence : l’entreprise a publié la politique en ligne, la rendant accessible à ses parties prenantes.
  • Collaboration : l’entreprise travaille avec les prestataires, les réseaux Fairtrade et des équipes spéciales à l’échelle mondiale pour ancrer l’équité entre les genres, promouvoir des dispositifs sécuritaires de signalement et offrir du mentorat aux femmes du secteur.
  • Amélioration continue : l’entreprise affirme sa détermination à maintenir un engagement continu, à mettre en place des mécanismes de signalement et à favoriser le développement du leadership.

Voilà ce à quoi ressemble l’identification d’un risque majeur et la prise de mesures pour y remédier : ne pas traiter le harcèlement comme un problème secondaire, mais le reconnaitre comme un enjeu central pour la dignité des employé.e.s et l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement.

Cette leçon s’applique au-delà de l’agriculture. Chaque entreprise présente des risques majeurs, qu’ils soient liés au travail, à l’environnement ou à la sécurité de la clientèle. La norme DH 2 oblige les dirigeant.e.s à désigner les risques les plus susceptibles de créer des préjudices et à élaborer des stratégies qui permettent d’y remédier d’une façon ouverte et efficace. En réalisant cette étape, les B Corp renforcent leurs systèmes de gouvernance, mais aussi leurs relations avec les employé.e.s, les prestataires et les communautés.

Du silence à la stratégie

La norme DH 2 n’est pas une case à cocher. Il s’agit d’un engagement à faire face aux enjeux qui importent le plus, à écouter les parties les plus touchées et à agir en toute transparence pour résoudre ces enjeux. En suivant ces étapes, les entreprises contribuent à créer des économies au sein desquelles les collaboratrices et les collaborateurs peuvent vivre et travailler avec dignité. Ces exigences établissent également de nouvelles attentes pour un leadership responsable : les valeurs doivent guider la chaîne de valeur et le silence ne doit jamais être pris pour de la protection.

Afin d’explorer comment votre entreprise peut commencer à mettre en application la norme DH 2, consultez l’évaluation B Impact [en anglais] et le guide pour le domaine d’impact des droits de la personne [en anglais].

Copyright : B Lab États-Unis et Canada

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