La semaine de quatre jours permet de vivre authentiquement et d’accéder aux soins d’affirmation de genre

November 29, 2024

Cet article présente le point de vue personnel d’Orion Arrizón, membre de l’équipe de direction du B Lab, l’organisme sans but lucratif qui soutient les entreprises certifiées B. Dans cette série, nous invitons les employé.e.s du B Lab à partager leurs expériences, leur inspiration, leurs espoirs et leurs défis dans le cadre de leur travail pour créer un monde plus inclusif et régénérateur. Cette édition des voix du B Lab est signée Orion Arrizón, responsable des opérations du B Lab États-Unis et Canada.

Posez-vous la question : qui seriez-vous si vous pouviez prendre davantage le temps de respirer profondément? Pouvez-vous imaginer une vie dans laquelle l’urgence permanente du travail n’accapare pas la totalité de votre semaine? Que feriez-vous si vous disposiez de temps libre supplémentaire à consacrer à votre bien-être mental et physique? De quels types de relations, de projets ou même d’aspects de vous-même prendriez-vous soin?

Voici les questions que je me suis posées lorsque l’équipe du B Lab États-Unis et Canada a décidé de lancer le projet pilote de la semaine de travail de quatre jours pendant la retraite annuelle de l’ensemble de notre personnel en juillet 2023, à Palm Coast, en Floride. Au cours de ma première entrevue pour mon poste au B Lab, je me rappelle clairement avoir abordé mon souhait de trouver un lieu de travail où je pourrais véritablement devenir moi-même, professionnellement bien sûr, mais surtout dans un sens physique. Je sais que je suis transgenre depuis l’école primaire. Cependant, comme la plupart des personnes queer dans ce monde, je n’ai pratiquement jamais eu accès aux soins médicaux qui pourraient m’aider à ressentir ce que la plupart des gens tiennent pour acquis dans leur vie : se sentir chez soi, bien, dans son corps et en harmonie avec son expression de genre. Pendant des dizaines d’années, j’ai ressenti un sentiment débilitant de dysphorie. Je ne me reconnaissais pas dans le miroir, je me taisais parce que le timbre de ma voix me déstabilisait et je restais chez moi, manquant des événements sociaux, car mes vêtements n’étaient pas ajustés de la manière dont j’en avais besoin pour me sentir plus à l’aise. Durant des décennies, je n’ai pas vécu ma vie selon mes propres termes. Jusqu’au projet pilote de la semaine de travail de quatre jours.

On évoque souvent la productivité et la conciliation travail-vie personnelle en parlant de la semaine de quatre jours. Toutefois, pour les personnes queer et de genre non conforme comme moi, il peut s’agir de bien plus que cela : ce modèle de travail peut constituer une forme de soin d’affirmation de genre. L’essai de la semaine de travail de quatre jours du B Lab États-Unis et Canada m’a offert le temps, l’espace et la capacité de m’orienter dans les méandres des systèmes médicaux et judiciaires des États-Unis : deux milieux très bureaucratiques et souvent hostiles aux personnes autochtones, noires, de couleur, queer et trans (PANDCQT). En obtenant un jour supplémentaire par semaine, j’ai pu planifier des consultations, gérer les documents administratifs et me rendre aux rendez-vous pour changer légalement mon nom et pour procéder à une chirurgie au haut du corps. Ces processus sont souvent accompagnés de charges considérables sur les plans émotionnel et administratif. Je n’aurais jamais été capable de les intégrer au cours d’une fin de semaine « traditionnelle », d’autant plus si l’on prend en compte que de nombreux organismes gouvernementaux sont souvent fermés les samedis et dimanches. Le fait simple, mais significatif, de disposer de davantage de temps m’a permis d’accéder à des soins mais aussi de m’occuper de ma santé mentale pendant que je surmontais les obstacles épuisants qui se dressaient sur mon parcours vers les soins d’affirmation de genre.

L’importance du temps ne peut pas être sous-estimée, en particulier à un moment où l’accès aux soins d’affirmation de genre devient plus difficile dans le contexte socio-politique actuel. Des études récentes [en anglais] révèlent que, aux États-Unis, 51 % des adultes transgenres et non binaires ont déclaré rencontrer des obstacles dans l’accès aux soins d’affirmation de genre, fondés sur des motifs comme une couverture d’assurance insuffisante, la discrimination, le mégenrage délibéré, ainsi que le refus catégorique du personnel hospitalier de fournir des soins en raison de la hausse du sentiment antitrans associée à la résurgence de l’autoritarisme d’extrême droite, et ce, même si ces personnes rendent visite au médecin pour un problème de santé non lié au genre. Les attaques législatives contre les droits des personnes trans, les fermetures de cliniques offrant des soins d’affirmation de genre, comme celles de Planned Parenthood (organisme sans but lucratif de planification familiale), et la discrimination répandue dans le milieu médical rendent l’accès aux soins de plus en plus difficile, et même dangereux dans certains endroits des États-Unis. La charge mentale entraînée par les efforts requis pour trouver sa voie au sein de ces systèmes est davantage alourdie par les obstacles judiciaires, comme le jargon complexe utilisé dans les formulaires pour changer le nom légal et les marqueurs de genre. De nombreuses personnes trans et non-binaires doivent d’ailleurs se débrouiller seules si elles ne peuvent pas obtenir l’assistance offerte par des espaces comme l’organisme Sylvia Rivera Law Project [en anglais]. Dans un climat marqué par une hausse du fascisme et du sentiment antitrans sur l’ensemble de l’Île de la Tortue, la semaine de travail de quatre jours peut servir de cordon de sécurité, en procurant aux personnes queer le temps et l’énergie mentale dont elles ont besoin pour mener ces batailles sur plusieurs fronts, en commençant par une véritable libération de leur corps et l’éveil d’un sentiment de sécurité et d’assurance en se sentant bien dans leurs peaux.

Maintenant que le B Lab États-Unis et Canada a officiellement adopté la semaine de quatre jours, j’ai pris pleinement conscience que, pour moi, ce mouvement ne se limite pas à travailler moins d’heures : il s’agit d’un modèle qui me permet de redécouvrir des parties de moi-même négligées en raison du conditionnement de notre société qui nous pousse à nous concentrer sur notre « labeur ». Alors, pour les gens qui se demandent si ce changement en vaut la peine, j’ai une dernière question : qu’est-ce qui pourrait être plus puissant que de vous offrir à vous, ainsi qu’à tout le monde sur votre lieu de travail, la capacité de devenir authentiquement la personne que vous êtes vraiment?

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