Une entreprise dirigée par des femmes démantèle l’inégalité raciale dans le secteur philanthropique

Sandra Nomoto

KHA donne la priorité à la cession et au partage du pouvoir avec les dirigeant.e.s de couleur

Cet article fait partie d’une série sur les dirigeantes d’entreprises participant au programme Level [en anglais], qui en est à sa troisième année. Grâce au programme Level, le B Lab États-Unis et Canada vise à soutenir et à établir des partenariats avec des cheffes d’entreprises qui s’identifient comme des femmes de couleur afin d’amplifier leur portée économique et leur impact communautaire.

En 1999, Keecha Harris a fondé Keecha Harris and Associates Inc. (KHA) [en anglais] pour créer un meilleur accès à l’intelligence, à la ténacité et à la compassion des dirigeant.e.s qui sont des personnes de couleur. KHA organise des initiatives pluriannuelles de développement du leadership avec des fondations, des organisations gouvernementales et des entreprises afin d’explorer les défis et les responsabilités de la concrétisation de l’équité raciale. KHA a engagé des fondations représentant plus de 300 milliards de dollars sur un total de 1 billion de dollars d’actifs philanthropiques basés aux États-Unis. La société de conseil a également fait partie des plus important.e.s entrepreneur.e.s pour USAID, l’Environmental Protection Agency (agence de protection environnementale), le Michigan State Budget Office (bureau du budget de l’État du Michigan) et des sociétés telles que The North Face et Alabama Power.

KHA sert de gardienne du processus de changement, aidant les organisations à combler l’écart entre leurs intentions et leur impact pour mobiliser des fonds vers des organisations dirigées par des personnes noires, autochtones et de couleur. En conséquence, leurs client.e.s accélèrent leur impact, augmentent leur rentabilité et approfondissent l’accomplissement de leur mission.

Keecha Harris, en haut à gauche, avec les membres du conseil consultatif d’Orchid Capital Collective.

L’interactivité du travail racial

Harris a toujours été attirée par le travail sur la race, mais le monde universitaire ne considérait pas que ce sujet était sérieux. Lorsqu’elle a suivi sa passion pour la philanthropie institutionnelle, elle a constaté que le même message du milieu universitaire se reflétait implicitement et explicitement. « Les données étaient claires. Ceux et celles à qui l’on a fait confiance pour prendre des décisions, et les organisations à but non lucratif les plus généreusement financées, ressemblent à la direction et au personnel de la fondation majoritairement blanche », remarque Harris.

La défense du travail sur la race est devenue une vocation. « Le sens de la philanthropie, c’est l’amour de l’humanité », explique-t-elle. « Il s’ensuit donc que nous devons promouvoir l’équité raciale, la justice et la libération, même si la philanthropie institutionnelle semble être un espace difficile pour faire du travail racial. »

Il peut être difficile pour les client.e.s de KHA de voir l’intersection de l’équité raciale et de la philanthropie, mais ils et elles sont prêt.e.s à travailler sur la question. « Nous ne nous intéressons à un partenariat que lorsqu’il y a un investissement sincère et un transfert de pouvoir qui découle de la priorisation stratégique du leadership noir et de couleur », explique Harris. « Nous co-créons les conditions pour que cela se produise dans des organisations où les personnes sont prêtes et disposées à puiser dans des aspects inédits de leur humanité. »

Elle a un principe dont elle parle souvent : la relation avant la tâche. D’autres cabinets de conseil sont souvent plus préoccupés par la vérification d’une liste de tâches. L’accent mis par KHA sur les relations les rend différentes. Au cours d’une retraite de deux jours avec un client de la fondation, par exemple, l’équipe a passé toute la première journée à établir des relations profondes. Certain.e.s pourraient qualifier cela d’excessif, mais le deuxième jour, la fondation a été en mesure de prendre une décision difficile qui a rapidement remis en question les pratiques inéquitables inhérentes.

« Développer la confiance et le tissu conjonctif – en particulier dans les relations de pouvoir – crée l’alchimie nécessaire pour s’élever vers un avenir juste. »

L’équipe de KHA lors de son rassemblement d’équipe à Philadelphie en 2023.

Avec l’aide de professionnel.le.s du développement organisationnel, KHA anime des rassemblements. En rassemblant les gens dans des espaces réfléchis avec des activités réfléchies, KHA co-crée des conditions qui les encouragent à changer leur cœur et leur esprit en ce qui concerne les préjugés et les croyances profondément enracinés sur le racisme.

Un rassemblement pour les bailleurs de fonds environnementaux au Civil Rights Museum (Musée des droits civiques) de Montgomery, en Alabama, est un autre exemple de l’approche interactive de KHA avec les client.e.s et la communauté. L’événement s’inscrivait dans le cadre de l’initiative InDEEP de KHA visant à favoriser l’inclusion, la diversité et l’équité dans la philanthropie environnementale. Les participant.e.s étaient passionné.e.s par la protection de la Terre, mais étaient majoritairement blanc.he.s. KHA a guidé le groupe à travers une exploration de la culture dominante blanche au sein des institutions philanthropiques qui perpétue l’exclusion, l’effacement et l’invisibilisation des personnes de couleur.

Lorsque le groupe est tombé sur un tableau périodique des dirigeant.e.s noir.e.s, un dirigeant noir d’une fondation a déclaré que c’était une leçon d’humilité de voir des images célèbres du mouvement des droits civiques. Il s’est souvenu des épaules sur lesquelles il se tient et de l’héritage qu’il s’efforce de défendre. Il a déclaré : « Bien que Keecha n’ait pas pu planifier ce moment précis, elle savait aussi que nos ancêtres étaient là avec nous. »

Le personnel à temps plein s’est réuni à Philadelphie en 2023 pour la retraite semestrielle de KHA.

La première fois que Harris a découvert les entreprises certifiées B, c’était par l’intermédiaire de Maya Rockeymoore Cummings, une autre consultante en impact social qui a certifié son entreprise, Global Policy Solutions [en anglais]. « J’ai cherché la certification et j’ai réalisé qu’elle correspondait à ma conviction que les entreprises doivent aussi être de bonnes citoyennes. La marque reste », explique Harris. « Vous pouvez bien faire et être une bonne personne. La certification aidera les autres à prendre conscience de nos intentions et à savoir que nous avons eu un impact sociétal en tant qu’entreprise citoyenne. »

Éléments pour un changement transformateur

Harris est une fière Sudiste et une femme noire; les deux éléments de son identité contribuent à ses superpouvoirs. Ses expériences vécues, combinées à une profonde crédibilité dans l’espace philanthropique, lui permettent d’accéder à des salles où des décisions sont prises pour faciliter le partage du pouvoir, les possibilités et l’investissement sincère, tout en ayant l’expérience du sectarisme. « Quand les gens pensent à l’Alabama, ils pensent au Sud profond comme à un endroit où le racisme et le sectarisme abondent vraiment », soulève-t-elle. « Mais le racisme et le sectarisme sont tout simplement différents dans d’autres espaces. Les gens peuvent sembler gentils et se présenter très gentiment, mais la réalité est que, dans chaque région de l’Amérique, notre travail est nécessaire. »

Harris conseille aux personnes de couleur d’avoir une matrice de réseaux : un conseil d’administration personnel ou un conseil exécutif pour ancrer, défier et propulser les dirigeant.e.s et leurs entreprises. « N’ayez pas peur de mentionner les noms des personnes qui siègent à votre conseil exécutif ou dans votre écosystème plus large. C’est souvent ainsi que nous commençons notre argumentaire parce qu’il incite les gens à écouter », dit-elle. « Il est important d’approfondir les relations avec ces ancien.ne.s client.e.s au fil du temps. Ils et elles deviendront vos meilleur.e.s ambassadeurs, ambassadrices et partisan.e.s en incarnant le travail dans le monde. »

L’héritage de Harris comprend l’éducation de sa fille tout en vivant sa mission personnelle d’être au service de l’humanité. KHA sème, partage et cède le pouvoir aux dirigeant.e.s de couleur. Cela les aide à concrétiser le travail d’équité raciale en socialisant l’humanité de chacun et chacune. Elle met en pratique son programme d’équité raciale et la « relation avant la tâche » avec son équipe interne. Cela crée un effet d’entraînement auprès de ses client.e.s et des autres personnes avec lesquelles l’équipe interagit.

« Nous ne serions pas en mesure d’établir des rapports, de la confiance et des relations avec les client.e.s philanthropiques avec lesquel.le.s nous travaillons sans créer une équipe qui pratique ce travail à l’interne », soutient Harris.

Depuis plus de 25 ans, Harris et KHA ont créé des changements massifs, en particulier dans les secteurs de l’environnement et de la justice reproductive et dans le leadership institutionnel (apprenez-en davantage sur l’initiative InDEEP [en anglais] ou le projet Race, Healing, and Joy [Race, guérison et joie] [en anglais]). Écoutez le balado R.A.C.E. Podcast [en anglais], animé par Harris, connectez-vous avec elle sur LinkedIn [en anglais], et apprenez-en plus sur les initiatives de KHA sur KHandAssociates.com [en anglais].

B The Change rassemble et partage les voix de l’intérieur du mouvement des personnes qui utilisent les entreprises comme force pour le bien, et de la communauté des entreprises certifiées B. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’organisation à but non lucratif B Lab.

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