Une entreprise responsable exige la vérité et la réconciliation

Par Andy Fyfe

June 22, 2022

Image du haut : Sculptée par l’artiste Luke Marston du la Coast Salish, la boîte en bois courbé de la Commission Vérité et Réconciliation est un hommage durable à tou.te.s les survivant.e.s des pensionnats indiens.

Voici le point de vue personnel d’un employé de B Lab, l’organisation à but non lucratif à l’origine de la certification B Corp. Dans cette série, nous invitons les employé.e.s de B Lab à partager leurs expériences, leur inspirations, leurs espoirs et leurs défis dans leur travail pour un monde plus inclusif et régénérateur. Cette édition de B Lab Voices est signée Andy Fyfe, directeur de la croissance équitable.

« L’innovation ne consiste pas toujours à créer de nouvelles choses. L’innovation consiste parfois à se pencher sur nos anciennes méthodes et à les adapter à cette nouvelle situation. »* – L’honorable Murray Sinclair, ancien membre du Sénat canadien et avocat des Premières Nations qui a présidé la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2009 à 2015.

Dans son discours de la conférence récente B Corp Leadership Development (BLD) Canada, James Delorme a fait preuve d’humilité envers les quelques centaines de participant.e.s et les a invité.e.s à relever un défi : « Nous ne faisons que commencer à gratter la surface. Nous devrons être à l’aise avec l’inconfortable. »* Ancien chef de la Première Nation Klahoose et aujourd’hui président d’Indigeknow, Delorme s’est engagé dans des projets à impact social soutenant les droits des autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, aux appels à l’action de Truth and Reconciliation 94 et à la BC Declaration of Indigenous Peoples Rights Act.

B Lab U.S. & Canada s’engage à transformer l’économie au profit de tous les individus, des communautés et de la planète. D’ici 2025, l’organisation espère avoir co-dirigé, avec la communauté des entreprises certifiées B Corp, l’élargissement des pratiques commerciales et des politiques publiques pour faire progresser la justice climatique, l’équité raciale et un système économique axé sur les parties prenantes. Cependant, B Lab U.S. & Canada reconnaît et assume la responsabilité que des voix critiques manquent présentement à la communauté B Corp.

Level est un programme que B Lab U.S. & Canada propose désormais pour se rapprocher et créer des parcours intentionnels pour les propriétaires d’entreprises historiquement marginalisées qui souhaitent obtenir la certification B Corp. Deux des entreprises participantes cette année sont des entreprises appartenant à des femmes autochtones du Canada : Anne Mulaire et Rise Consulting. En réponse aux entreprises qui se demandent par où commencer pour leur réparation, Adréanne Mulaire Dandeneau, d’héritage anishinaabe/métis français et fondatrice d’Anne Mulaire, a déclaré : « Une première étape serait de se poser quelques questions. Comment réagissez-vous aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ou à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ? Comment comblez-vous ces lacunes ? Tirez-vous parti des talents et des connaissances locales ? »

Extrait du plan d’action de réconciliation de Briteweb. Artiste : Mariah Meawasige, une Anishinaabekwe de la Première Nation de Serpent River, membre du clan de l’ours, et d’ascendance coloniale mixte, notamment polonaise et écossaise.

Dans le cadre de Truth and Reconciliation 94, Call to Action 92 demande:

« Le secteur des entreprises au Canada doit adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones comme cadre de réconciliation et appliquer ses principes, normes et standards à la politique des entreprises et aux activités opérationnelles de base impliquant les peuples autochtones, leurs terres et leurs ressources. »

Dans le même esprit que M. Delorme à BLD Canada, Rachel Segal, directrice générale de Briteweb, a reconnu que si les changements structurels ne se produisent pas du jour au lendemain, la réconciliation est un travail et elle est prête à faire sa part. Elle a partagé le plan d’action de réconciliation de l’entreprise sur lequel elle a travaillé avec pairs provenant d’autres entreprises certifiées B Corp : Decade Impact et les étapes de leur approche : recherche, réflexion, discussion, puis formalisation. Le plan suit ces trois principes :

  • Fournir une formation de sensibilisation culturelle au personnel et aux sous-traitant.e.s.
  • Soutenir le développement des communautés autochtones.
  • Créer des possibilités d’emploi et d’éducation pour les autochtones.

Et puis maintenant ? « Maintenant, nous progressons avec le plan et nous nous tenons responsables tout au long du processus pour suivre les progrès, comprendre les faux pas et faire de la place pour s’assurer que les actions sont accomplies et qu’un temps de réflexion est pris pour considérer et apprendre de ces progrès » a déclaré M. Segal.

M. Delorme nous a demandé d’aller au devant de l’inconfort, et M. Segal est d’accord : « Ce travail peut être difficile et vous pouvez parfois vous sentir complètement à l’envers, car des croyances et des pratiques profondément intériorisées sont évaluées d’un point de vue différent qui les rend tout à coup moins attrayantes, problématiques ou totalement nuisibles. Acceptez ce qui est inconfortable et faites ce que vous pouvez pour aider ceux qui vous entourent à se sentir en sécurité alors qu’ils et vous naviguez dans des sentiments difficiles dans le cadre du désapprentissage de méthodes de travail coloniales profondément ancrées. »

Animikii, la première entreprise certifiée B Corp appartenant à des autochtones au Canada.

À la BLD, Ian Capstick, directeur de l’impact chez Animikii, une entreprise aborigène B Corp de longue date, a rappelé aux personnes présentes dans l’assistance de se demander : « Comment connais-je cette histoire ? Où l’ai-je apprise ? Y a-t-il d’autres perspectives ? »

Apprendre le sens réel et agir pour mettre fin à l’extraction

Ses questions m’ont incité à réfléchir à l’expression « donneur indien », qui a pris une traduction tellement opposée à son origine qu’elle est maintenant son antonyme diffamatoire. Lorsque j’ai appris cette expression, on me l’a transmise comme signifiant : quelqu’un qui vous fait un cadeau et s’attend égoïstement à ce qu’il vous soit rendu à un moment donné. La semaine dernière, assise en face de moi, tenant le début d’un panier tressé avec du kudzu tandis que je regardais en essayant de tresser le mien, Nancy, une aînée Cherokee de la bande orientale, a partagé la façon dont elle a changé. « Parfois, les cadeaux sont des actes de cérémonie, destinés à se poursuivre dans l’échange. Ceux qui vous ont appris ce que signifie ‘donneur indien’ sont ceux qui ont arrêté le cadeau dans son cercle [et] s’attendaient à ce qu’il soit maintenant à eux. »

Dans son livre The Gift, Lewis Hyde remet en question la signification de l’expression « donneur indien » : « une personne dont l’instinct est de retirer les biens de la circulation, de les mettre dans un entrepôt ou un musée (ou, plus exactement pour le capitalisme, de les mettre de côté pour qu’ils servent à la production). »

L’artiste métis David Albert a créé cette flèche pour rendre hommage aux activités de commerce entre les Métis et les Premières Nations. Photo gracieuseté d’Anne Mulaire.

Ce qui nous a été donné ne doit pas être gardé. Mais si nous le gardons, pouvons-nous remettre quelque chose de valeur semblable dans le cercle ? Une grande partie de ce qui a été extrait de la terre dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Canada et les États-Unis a été conservée et commercialisée pendant trois siècles. Ce qui était aménagé dans sa forme originale et considéré comme un don s’est rapidement transformé en trésor et en marchandise. Nous en sommes encore témoins aujourd’hui. 

Créer des entreprises autochtones fortes qui changent le cours des choses

Il y a deux fois plus d’entrepreneures s’identifiant aux Premières Nations et aux Inuits qui créent des entreprises au Canada que d’entrerpreneures s’identifiant comme femme et non autochtones. De plus, 18 % des jeunes Américain.e.s autochtones (moins de 35 ans) sont propriétaires d’une entreprise, soit 4 % de plus que la moyenne. Pourtant, le système actuel exige injustement que les entreprises appartenant à des autochtones soient plus qualifiées que leurs homologues blanc.he.s pour accéder aux mêmes ressources. Seulement 1,86 % du capital-risque va aux fondateur.trice.s Inuits et des Premières Nations au Canada. Pour aider, le Women Entrepreneurship Knowledge Hub, dans son récent rapport intitulé « Resources for Indigenous Women Entrepreneurs », a étudié 136 programmes uniques qui fournissent des ressources aux entrepreneur.e.s autochtones à travers le Canada. En résumé, le rapport souhaite «des pratiques plus patientes, plus complètes et basées sur les relations qui utilisent une lentille intersectionnelle pouvant conduire à une meilleure compréhension des besoins uniques des femmes autochtones, ce qui à son tour permet aux femmes autochtones de mieux construire sur leurs forces. »

Jenn Harper de Cheekbone Beauty. (Photo courtoisie de Cheekbone Beauty)

L’une des plus récentes B Corps est l’entreprise de Jenn Harper, Cheekbone Beauty, une entreprise autochtone et foncée par une femme. Mme Harper a clôturé l’événement BLD Canada en ouvrant un nouveau cercle que les participant.e.s ont pu découvrir. Pour elle, ce travail est personnel. Avant Cheekbone Beauty, elle vendait des fruits de mer jusqu’à ce qu’elle constate le pouvoir de la richesse intergénérationnelle sous la forme de l’éducation. Elle s’est demandé : « Comment puis-je créer un produit et soutenir ma communauté autochtone? Comment puis-je apprendre de ma propre guérison et l’offrir en cadeau ? Avec la publication du rapport de ceux qui ont travaillé dans les écoles et qui ont reconnu le plan systémique d’éradication des peuples autochtones, comment puis-je, à travers mon traumatisme et maintenant à travers mon entreprise, changer le cours des choses ? ». Grâce au succès de l’entreprise, Cheekbone Beauty change la vie des jeunes autochtones en faisant des dons pour combler le déficit de financement de l’éducation et en créant un espace dans l’industrie de la beauté où les jeunes autochtones se sentent représenté.e.s et vu.e.s.

« Lorsque j’ai fondé Cheekbone Beauty, l’une des choses très importantes pour moi était de redonner à la communauté et de créer une prospérité intergénérationnelle grâce à des possibilités d’éducation pour les jeunes autochtones. Nous avons pu réaliser une partie de cet objectif l’année dernière avec notre première bourse partielle Cheekbone Beauty, un programme que nous espérons étendre cette année. » – Jenn Harper, PDG, Cheekbone Beauty

Nous espérons que ces personnes et leurs entreprises puissent non seulement inspirer vos cœurs, mais aussi vous inciter à agir dans votre vie, votre communauté et votre travail. Pouvons-nous passer – de la reconnaissance à la relation – avec l’espoir qu’un jour, nous pourrons réparer et nous réconcilier ?

Comme nous le rappelle Harper : « Le plus important est de soutenir les entreprises appartenant à des autochtones tout au long de l’année, et pas seulement lorsque le calendrier prévoit une journée ou un mois de sensibilisation aux questions autochtones. Comme pour toute entreprise, la durabilité passe par le soutien permanent des client.e.s, des médias et du monde des affaires.»

 

 

 

* Les citations dans cet article ont été traduites de l’anglais.

Informations et ressources

  • En l’honneur du Mois de l’histoire autochtones, le Gord Downie & Chanie Wenjack Fund présente une célébration de la diversité des peuples autochtones à travers le Canada. Soyez à l’écoute le 29 juin 2022 en vous inscrivant ici
  • Poursuivez la conversation lors du prochain BLD | Canada le 22 septembre. Inscrivez-vous ici.

Nous remercions le comité d’organisation de l’événement BLD | Canada de cette année :

  • Kristy O’Leary, Decade Impact
  • Michelle Reid, B Lab U.S. & Canada; BDC
  • Katie Allen, Zest Solutions
  • Lisa Hrabluk, Wicked Ideas
  • Greg Tooke, Light Trail

Andy Fyfe habite à Weaverville, en Caroline du Nord, à la frontière de Qualla, terre ancestrale des Anigiduwagi, aujourd’hui appelée Eastern Band Cherokee. Cette terre a été acquise par la violence, l’oppression, la coercition et la rupture des traités. Au-delà de la reconnaissance de la terre, il vous demande de passer du temps avec une histoire numérique de l’histoire de ce peuple ici : As Long as the Grass Shall Grow. Andy Fyfe et Cee Stanley de Green Heffa Farms, en partenariat avec Decade Impact, Impact Growth Partners et Cultivating Capital, ont créé un programme appelé Level qui soutient les propriétaires d’entreprises Noires, autochtones et de couleur au Canada et aux États-Unis dans leur quête de la certification B Corp, tout en apprenant et en créant ensemble en cours de route.

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