De l’est d’Atlanta à Expo West et au-delà : Réflexions d’une femme noire du Sud, partie II
July 28, 2023
Cet article est basé sur le point de vue personnel d’une employée du B Lab, l’organisme sans but lucratif qui soutient les entreprises certifiées B. Dans cette série, nous invitons les employé.e.s du B Lab à partager leurs expériences, leur inspirations, leurs espoirs et leurs défis dans le cadre de leur travail pour un monde plus inclusif et régénérateur. Cette édition des voix du B Lab est signée Lauren Everett, conteuse, spécialisée en marketing numérique.
Au moment d’écrire ces mots, je me trouve dans le plus bel hôtel de Cusco au Pérou. Cela m’a pris deux vols et douze heures pour arriver ici, mais dire que le jeu en valait la chandelle serait un euphémisme.
Afin de vous aider à mieux comprendre et à me suivre, je vais remettre les choses dans leur contexte. Laissez-moi revenir au mois de mars, peut-être même un peu avant. Comme beaucoup d’entre vous le savent peut-être déjà, le mois de mars est le mois B Corp. Chaque année, le B Lab États-Unis et Canada ainsi que plusieurs entreprises B Corp se dirigent vers la côte Ouest pour participer à Expo West, un salon commercial de produits naturels mythique. Rien de bien compliqué, sauf s’il s’agit de votre première fois. Et c’était ma première dans un salon commercial. Je n’exagère pas en disant que j’étais dépassée par l’événement. Je suis sûre qu’il y en aura plein d’autres à l’avenir. L’aspect le plus déconcertant de cet événement n’était pas les milliers de personnes qui se bousculaient dans le centre de congrès, ni les spectacles extravagants présentés par des entreprises populaires (et bien nanties) afin d’attirer leur concurrence et les participant.e.s à leurs kiosques. J’ai été décontenancée de voir à quel point tous les espaces que j’occupais étaient blancs. Avec du recul, ma surprise semble déplacée : je participais à un salon de produits naturels.
Je me donne la permission de faire ce lien parce que je repense à ma jeunesse et à l’absence de boutiques qui vendaient ces produits dans mon quartier. Ce dernier, à Decatur, en Géorgie, est un quartier majoritairement noir par dessein comptant peu de magasins alimentaires axés sur la santé, mais au contraire beaucoup d’options de restauration rapide. Ayant grandi dans les années 90 et au début des années 2000, j’étais ravie de me rendre au Dekalb Farmers Market (marché fermier). De temps à autre, ma mère faisait la route de 30 minutes et nous passions ce qui me semblait des heures à déambuler dans les allées entre les différentes cultures. Ces moments de brassage ethnique et culturel ont joué un rôle crucial dans ma découverte d’une autre version du monde, un monde qui semblait lointain à une jeune fille noire de l’est d’Atlanta.
Pause informative : Un désert alimentaire, selon Johns Hopkins, est une région où les résident.e.s rencontrent d’extrêmes difficultés à trouver de la nourriture saine et abordable dans de grands magasins alimentaires ou des marchés fermiers, particulièrement dans des quartiers urbains et pauvres, ce qui touche négativement les communautés noires et de couleur. Ces impacts négatifs comprennent les disparités en matière de santé attribuées à une mauvaise alimentation, comme le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle et les maladies cardiaques, l’impact économique accru pour accéder à des choix alimentaires sains en raison des temps de déplacement ou des dépenses élevées dans les dépanneurs du quartier, et un accès limité à l’éducation en matière d’alimentation. Il ne s’agit aucunement d’un vice de conception, mais bien de répercussions intentionnelles de politiques racistes comme l’exclusion systématique, garantissant aux familles blanches un accès privilégié à de meilleures habitations, au transport public et, consécutivement, à une alimentation saine.
Reprenons notre histoire!
Ainsi, cette jeune fille noire s’est vue remise directement à sa place dans les salles d’Expo West, une marginale, une étrangère dans un lieu qui aurait dû être plutôt familier. Dans mon dernier récit, j’ai parlé du langage partagé par notre communauté. Mais, que se passe-t-il lorsque votre communauté se métamorphose en un système doté de plusieurs langues étrangères que tout le monde semble comprendre sauf vous? Je me suis retrouvée à naviguer dans cet écosystème avec des connaissances limitées, tout en tentant de m’y intégrer de mon mieux avec l’aide d’ami.e.s précieux et précieuses. Ces mêmes ami.e.s et collègues m’ont fait remarquer que le salon Expo West pourrait être comparé au grand magasin d’alimentation Trader Joe’s dopé aux stéroïdes. Seriez-vous surpris.e d’apprendre que je suis entrée pour la première fois dans un Trader Joe’s l’année dernière, à la fin de ma vingtaine? Un territoire étranger et un langage inconnu. Tout comme Expo West, cette expérience fût troublante parce que j’étais l’une des seules personnes de couleur dans le magasin ce jour-là. De plus, j’ignorais que le magasin vous encourage fortement à faire sonner une cloche lors de votre première visite. Je devais non seulement parcourir ce nouveau territoire, mais je devais aussi aviser tout le monde de façon audible qu’il s’agissait bel et bien de la première visite de cette jeune fille noire dans le voisinage. Quelle journée!
D’un côté, je suis reconnaissante au B Lab États-Unis et Canada de m’avoir permis de m’aventurer en terres inconnues. De l’autre, je me demande combien d’expériences de ce type je peux endurer. Cette pensée m’a traversé l’esprit lors d’un déplacement récent à Burlington, au Vermont, pour une tournée B Corp. Si cela n’avait pas été pour le B Lab, je doute avoir eu un jour une raison de m’aventurer si loin au nord, et encore moins au Vermont. Avant de mettre le pied dans l’un des endroits les plus verdoyants que je n’ai jamais vu, je pensais souvent : « Que font les personnes noires au Vermont? » Une question pertinente car, bien entendu, je ne suis pas objective. Il me semblait juste d’émettre des suppositions, puisqu’il y avait peu de personnes noires à qui j’aurai pu le demander directement au Vermont. Toutefois, ce n’est pas un secret pour les entreprises B Corp du Vermont qui cherchent des manières de diversifier leur personnel et des façons de faire des affaires.
Le même sentiment de décalage que j’avais ressenti à Anaheim en Californie au salon Expo West s’était lentement dissipé au moment où je suis arrivée à Burlington, au Vermont. La seule différence étant que je parlais maintenant mon propre langage et que je savais comment m’exprimer, quel que soit le public. J’ai toujours été la seule constante, peu importe l’environnement. Je me retrouverai sans aucun doute de nouveau en territoire inconnu en évoluant au sein de cette communauté.
Alors que j’écris ces dernières lignes de la région de Buckhead à Atlanta, un autre lieu étranger pour moi et la majorité des personnes noires, j’entretiens l’espoir, pour vous comme pour moi, de trouver du réconfort le long des routes moins fréquentées, car, au bout du compte, nous souhaitons tous et toutes arriver au même endroit.
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