Un nouveau guide pour une nouvelle économie dirigée par le capitalisme participatif

February 1, 2021

Le cas et le processus d’adoption de la gouvernance par les avantages

Alors que le fossé entre les mieux nanti.e.s et les plus démuni.e.s se creuse et que la crise climatique s’accélère, les chef.fe.s d’entreprise peuvent saisir l’occasion de s’attaquer à la disparité économique et d’agir en faveur du climat en adoptant un modèle pour une nouvelle économie – le capitalisme participatif – et en recherchant le statut d’entreprise à mission pour ancrer les objectifs, le sens de leur entreprise et garantir un héritage positif. 

Grâce à la structure juridique des entreprises à mission, les entreprises peuvent élargir leur champ d’action au-delà de la primauté de l’actionnaire, le principe du capitalisme traditionnel qui exige que les bénéfices pour les actionnaires soient le seul objectif d’une entreprise, et considérer plutôt l’impact des actions de l’entreprise sur un certain nombre de parties prenantes : les travailleur.euse.s, les client.e.s, la communauté, l’environnement et les actionnaires. Certes, le résultat net reste important, mais l’entreprise doit également apporter de la valeur à ce groupe plus large et assumer la responsabilité des impacts négatifs qu’elle crée. En utilisant l’entreprise comme une force pour le bien, les entreprises à mission soutiennent les personnes qui contribuent à leur succès et protègent l’environnement pour les générations futures. 

La communauté des entreprises certifiées B Corp – plus de 3 500 entreprises dans le monde, dont Patagonia, Ben & Jerry’s, Allbirds et Beautycounter – montre la voie en s’attaquant aux défis mondiaux urgents et en construisant une nouvelle économie fondée sur le capitalisme participatif. Pour aider d’autres chef.fe.s d’entreprise à adopter le statut d’entreprise à mission comme condition de la certification B Corp, B Lab publie une nouvelle ressource téléchargeable, le Board Playbook, qui décrit le processus et démystifie les risques. Cet article présente les points forts et les témoignages tirés de ce guide.

« Ce n’est que lorsque la gouvernance des parties prenantes deviendra normative et institutionnelle qu’elle sera accessible aux entreprises disposant de ressources limitées mais d’une passion illimitée pour servir leurs communautés et leurs travailleur.euse.s »*, déclare Andy Fyfe, catalyseur de croissance, B Lab U.S. & Canada. « Ce playbook uniformise les règles en tant que guide le plus pratique à ce jour pour que les entreprises adoptent la plus haute forme de gouvernance des parties prenantes. »

Dans la lettre d’introduction du guide, Joey Zwillinger, cofondateur d’Allbirds, explique pourquoi l’entreprise a opté pour le statut d’entreprise à mission et comment cette décision a influencé et influencera l’entreprise à long terme :

« L’adoption de ce cadre de gouvernance comporte des compromis juridiques. D’une part, il donne une plus grande latitude aux dirigeant.e.s pour agir au nom des bénéficiaires publics en plus des actionnaires. D’autre part, il crée également des responsabilités pour les entreprises et leurs dirigeant.e.s, de sorte que les investisseur.euse.s puissent tenir l’entreprise responsable de la réalisation des avantages publics qu’elle a définis dans ses documents de gouvernance. C’est la flexibilité et la responsabilité. Les grand.e.s dirigeant.e.s devraient avoir les deux, mais cela demande du courage et un sens des responsabilités quant au rôle des dirigeant.e.s dans le monde. »

Travailler avec sens et transparence

Selon la loi, les entreprises à mission bénéficient des mêmes protections et autorisations que les autres sociétés à but lucratif, mais elles ont un niveau plus élevé de transparence, de responsabilité et de sens. Cela signifie que les entreprises à mission doivent tenir compte des effets négatifs de leurs activités sur toutes les parties prenantes plutôt que de maximiser la richesse pour les actionnaires et d’imposer des coûts aux autres.  

Au cours de la dernière décennie, des lois sur les entreprises à mission ont été adoptées dans 39 États des États-Unis. Le mouvement prend également de l’ampleur sur la scène internationale : en 2020, la première loi canadienne sur les entreprises à mission est entrée en vigueur en Colombie-Britannique, s’ajoutant à l’adoption antérieure aux États-Unis, en Italie, en Colombie, au Pérou et en Équateur.

Les plus de 10 000 entreprises à mission changent l’objectif des entreprises en abandonnant la primauté des actionnaires. Voici quelques exemples de la manière dont ces leaders démontrent qu’une entreprise responsable peut être une entreprise prospère :

    • Lemonade, un courtier d’assurance innovant soutenu par SoftBank, Sequoia et d’autres fonds de capital-risque, a réalisé l’introduction en bourse la plus réussie de 2020, recueillant 139 % le premier jour de cotation (après avoir fixé un prix supérieur à la fourchette des souscripteur.trice.s).
      « Il ne s’agit pas seulement de “faire le bien”, mais aussi d’aligner les intérêts. Ainsi, je ne gagnerai pas d’argent en refusant vos demandes d’indemnisation, et vous réfléchirez à deux fois avant d’embellir vos demandes, et j’espère que nous transformerons ce qui est aujourd’hui un jeu à deux joueur.euse.s, une relation conflictuelle entre deux acteur.trice.s, en une relation trilatérale en impliquant également les organisations à but non lucratif. … Cela nous a permis de gravir les échelons et de devenir la marque numéro un la plus appréciée et la plus digne de confiance dans le domaine de l’assurance, alors que nous ne sommes sur le marché que depuis trois ans ». – Daniel Schreiber, PDG de Lemonade
  • Vital Farms, qui commercialise des œufs et du beurre issus de l’élevage en pâturage, a fait de même en 2020 avec une introduction en bourse obtenant une capitalisation boursière de 1,3 milliard de dollars à la clôture alors qu’elle avait reçu une valorisation de 136 millions de dollars juste deux ans plus tôt.
    « Je cherchais toujours la sortie. Au lieu de chercher à devenir riche, j’ai réalisé que je pouvais construire une entreprise où je me concentrais sur les employé.e.s, les client.e.s, les actionnaires et l’environnement. C’est tellement plus amusant que de se concentrer sur le profit. » – Matt O’Hayer, fondateur de Vital Farms
  • Veeva Systems, un fournisseur de logiciels infonuagiques dont la capitalisation boursière s’élève à 40 milliards de dollars, est la première société cotée en bourse à adopter le statut d’entreprise à mission – ayant reçu l’approbation de ses actionnaires à 99 % en janvier 2021.
    « Nous avons rencontré nos 20 principaux et principales investisseur.euse.s, d’autres influenceur.euse.s et des sociétés d’expert.e.s-conseil. Pour une grande partie des influenceur.euse.s- en particulier ceux qui sont davantage axés sur les critères ESG, qui ont réfléchi au multipartenariat ou qui ont écrit sur l’importance de la finalité – je décrirais la réaction comme une demande presque refoulée. Il y avait presque un sentiment de soulagement – enfin quelqu’un le fait. C’est quelque chose qui a touché à une proportion assez importante des actionnaires. » – Josh Faddis, vice-président senior et directeur juridique de Veeva Systems.

Un argument convaincant en faveur des entreprises à mission 

Les entreprises à mission seront de plus en plus importantes à l’avenir, car de plus en plus de personnes préfèrent des emplois ayant un sens et une stabilité. Ce statut juridique donne aux employé.e.s actuel.le.s et potentiel.le.s la certitude que l’entreprise est légalement engagée dans sa mission et son héritage à long terme. 

En tant qu’entreprises à mission, les entreprises publiques peuvent attirer les investisseur.euse.s avec une perspective à plus long terme et renforcer la crédibilité de la direction en prenant des décisions ayant un impact positif prolongé. Elles peuvent éviter les pressions à court terme des actionnaires, car les administrateur.trice.s doivent prendre des décisions fondées sur la création d’une valeur partagée et durable pour toutes les parties prenantes, plutôt que d’essayer simplement d’augmenter le cours actuel de l’action.

Alors que de plus en plus de grandes entreprises et d’investisseurs.euse.s réalisent que la recherche de profits pour les actionnaires est à l’origine de nombreux défis systémiques – dont la santé, l’économie et l’équité raciale – les entreprises qui sont responsables de l’équilibre des intérêts de toutes les parties prenantes ont une plus grande flexibilité pour s’adapter et survivre pendant les périodes difficiles. 

La structure des entreprises à mission offre également aux administrateurs.trice.s des options et des protections supplémentaires en vertu de la loi, lorsqu’ils et elles prennent des décisions, plutôt que de choisir par défaut l’option qui crée le plus de valeur pour les actionnaires. 

Les dernières sections du guide comprennent des informations sur les aspects juridiques du processus de certification, produites en partenariat avec Freshfields, un cabinet d’avocats international, et une section « questions difficiles », produite en partenariat avec Mayer Brown LLP, un cabinet d’avocats international qui conseille les plus grandes entreprises et institutions financières du monde, y compris les entreprises d’intérêt public, sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise (ESG) et d’autres questions à caractère social.

Pamela L. Marcogliese, associée chez Freshfields, estime que le manuel est une ressource qui tombe à point pour les entreprises qui développent ou approfondissent leur cadre de travail avec les parties prenantes.

« Aujourd’hui, plus que jamais, les entreprises se concentrent sur un large éventail de questions ESG, motivées par les préoccupations de leurs parties prenantes, notamment leurs employé.e.s, leurs client.e.s, les membres de leurs communautés et leurs actionnaires », dit-elle. « La certification B Corp, et la conversion éventuelle en entreprise à mission, cristallise l’engagement d’une entreprise envers ces parties prenantes importantes. »

Stephanie Hurst, associée chez Mayer Brown, indique que les client.e.s qui poursuivent des démarches liées à l’ESG, notamment en devenant une B Corp ou une entreprise à mission, se posent de nombreuses questions sur la façon dont le marché peut percevoir ce changement et si cela peut accroître leur responsabilité personnelle. 

« Dans le paysage ESG qui évolue rapidement, avec de nombreux domaines de première impression, ces considérations peuvent avoir de multiples facettes et, parfois, sembler écrasantes », dit-elle. « Nous pensons que le Board Playbook, l’initiative menée par B Lab, est une excellente ressource pour les entreprises qui cherchent à obtenir la certification B Corp ou le statut d’entreprise à mission, qui fournit des idées et des conseils pratiques pour aborder les principales considérations, et nous sommes heureux d’avoir collaboré avec B Lab sur cet important projet. »

* Les citations dans cet article ont été traduites de l’anglais.

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